Mitsou
Quarante images par Balthusz
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Ai-je tort, dites, de vous mêler à ces réflexions, tout en voulant vous conduire vers l'histoire que mon petit ami Baltusz va vous raconter? Il la dessine, c'est vrai, sans vous parler davantage, mais ses images suffiront largement à votre curiosité. Pourquoi les répéterais-je sous une autre forme? Je préfère y ajouter ce que lui ne dit pas encore. Résumons cependant l'histoire:

Baltusz (je crois qu'il avait dix ans cette époque) trouve un chat. Cela se passe au château de Nyon que, sans doute, vous connaissez. On lui permet d'emporter sa petite trouvaille tremblante, et le voilà en voyage avec elle. C'est le bateau, c'est l'arrivée à Genève, au Molard, c'est le tram. Il introduit son nouveau compagnon à la vie domestique, il l'apprivoise, il le gâte, il le chérit. «Mitsou» se prête, joyeusement, aux conditions qu'on lui propose, tout en rompant parfois la monotonie de la maison par quelque improvisation folâtre et ingénue. Trouvez-vous exagéré que son maître, en le promenant, l'attache à cette ficelle gênante? C'est qu'il se méfie de toutes les fantaisies qui traversent ce coeur de matou, aimant, mais inconnu et aventureux. Cependant, il a tort. Même le déménagement dangereux s'opère sans aucun accident, et la petite bête capricieuse s'adapte au milieu nouveau avec une docilité amusée. Puis, tout à coup, elle disparaît. La maison s'alarme; mais, Dieu soit loué, ce n'est pas sérieux cette fois: On retrouve Mitsou au milieu du gazon, et Baltusz, loin de réprimander son déserteur, l'installe sur les tuyaux du calorifère bienfaisant. Vous goûterez comme moi, je suppose, l'accalmie, la plénitude qui suit cette angoisse. Hélas! ce n'est qu'une trève. Noël parfois se montre par trop séduisant. On mange des gâteaux, un peu sans compter; on tombe malade. Et pour guérir, on s'endort. Mitsou, ennuyé de votre sommeil trop long, au lieu de vous éveiller, s'évade. Quel effarement! Heureusement, Baltusz se trouve assez rétabli pour se lancer à la recherche du fugitif. Il commence par ramper sous son lit: rien. Ne vous semble-t-il pas bien courageux, tout seul, à la cave, avec sa bougie qu'en signe de recherche il emporte ensuite partout, au jardin, dans la rue: rien! Regardez sa petite figure solitaire: Qui l'a abandonné? C'est un chat? - Se consolera-t-il avec le portrait de Mitsou que, dernièrement, son père ébauchait? Non; il y avait du pressentiment là-dedans; et la perte commence Dieu sait quand! C'est définitif, c'est fatal. Il rentre. Il pleure. Il vous montre ses larmes de ses deux mains:

Regardez-les bien.
Voilà l'histoire. L'artiste l'a mieux racontée que moi. Que me reste-t-il à dire encore? Peu.

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